Théo passa une main experte dans ses cheveux hirsutes après une nuit désagréable durant laquelle il n'avait presque pas dormi. Il avait pensé à Morgane, tout avait débuté juste après qu'il se soit décidé à lâcher son journal de bord pour éteindre la lumière, ses paupières s'étaient scellées d'un sommeil profond mais ses pensées étaient tellement confuses que son cerveau mélangeait tout dans des rêves d'une étrangeté affolante. Il s'était réveillé en sueur, le visage de sa belle lui hurlant de venir la chercher, qu'elle avait eu un accident de voiture. Le jeune homme avait vite rétabli les choses : IL avait eu un accident de voiture, pas elle, c'était à lui d'être sauvé, pas à elle. Il avait pousser une sorte de grognement avant de se retourner dans ses draps blancs mais le visage de la blonde était ancré dans son esprit et dans son coeur, il n'arrivait à s'en défaire. Il avait besoin de ses lèvres, des remarques sarcastiques qu'elle faisait, il avait besoin d'elle. Maintenant c'était trop tard, ce qu'il avait vu l'avait brisé mais son amour inconditionnel pour la demoiselle n'était pas parti en même temps qu'il montait dans sa voiture pour un funeste voyage. Non, cette passion dévorante le brûlait intérieurement, elle lui ordonnait de retourner à Paris pour s'excuser, elle le détruisait intérieurement et Théo ne le supportait plus mais il n'arrivait pas à s'en défaire, il s'était plongé dedans dès l'instant où il l'avait autorisée à s'asseoir à côté de lui deux ans plus tôt. Il ne voulait pas vivre avec ce manque toute sa vie, il ne voulait pas que cette douleur et cette souffrance le dévorent, non, il voulait vivre mais sans Morgane cela lui paraissait impossible.

La seule solution qui lui paraissait possible était de ne plus jamais retrouver les traces de son passé, la seule chose qui pouvait le sauver c'était d'éviter tout contact direct avec son passé, même pas un regard derrière lui, non, le futur s'offrait à lui et lui seul pouvait le maîtriser car c'était son désir, sa vie, maintenant il pouvait prendre le contrôle et il n'allait pas s'en priver. Une jeune femme brune entra dans sa chambre une heure après son réveil, le visage de la jeune femme lui fit revenir des bribes de son passé à l'esprit, il avait mal de la voir ici. Il ne savait plus où il l'avait vu et il n'avait pas envie de le savoir, elle lui rappelait son passé et cette fois-ci il n'avait aucune envie de lui parler. "Hem... bonjour." lança-t-il avec nonchalance. Théo lui lança un regard noir avant de lui tendre son poignée pour qu'elle puisse lui faire l'habituelle prise de sang qui était d'habitude faite par une autre infirmière. Il ne voulait même pas lui parler, même si une salutation juste par politesse était d'usage, il n'avait pas l'intention de s'en tenir à plus que ça.

La jeune femme enfila ses gants en latex avant de saisir l'avant-bras de Théo qui la regardait, elle saisit sa seringue et l'approcha dangereusement de son bras. Il détestait ce moment-là, il avait perdu beaucoup de sang durant l'accident et les prises de sang régulières étaient inévitables. C'était légèrement douloureux mais le pire était qu'il devait se faire assister par une infirmière pour cela. Il aurait préféré prélever son sang seul plutôt que de devoir faire des petites grimaces quand l'aiguille s'enfonçait dans sa chair. "Bonjour monsieur Hanwell." répondit calmement la jeune femme d'un air distrait. Il la dévisagea longuement tandis que son sang était prélevé dans la seringue, le liquide rouge était stocké dans le compartiment transparent de l'outil médical. Il fronça les sourcils tandis qu'elle attrapait la seringue entre ses doigts. Théo soupira, maintenant il allait devoir descendre dans le réfectoire pour prendre son petit-déjeuner, il préférait quand même aller dans cette salle peu conviviale que de rester encore dans sa chambre tout seul à contempler le mur blanc qui lui faisait face. Il était assis sur son lit, l'étudiant étendit un bras pour tirer le fauteuil roulant vers lui. Il se soutint sur les deux bras pour se soulever légèrement et essayer de se "propulser" jusqu'au siège à deux roues. Il aurait dû se faire aider par l'infirmière qui se tenait non loin de lui, mais il voulait éviter tout contact avec elle.

Il rata de peu le fauteuil et se retrouva parterre. Ses jambes étaient encore trop faibles pour le porter et il voyait mal comment il pouvait se relever. Théo s'imaginait déjà la demoiselle venir l'aider, il leva les deux bras comme pour se protéger tandis qu'il restait en position assise à même du sol. "Non, c'est bon, je vais me relever tout seul, ça va !" s'exclama-t-il avec fureur, sans raison valable. Le jeune homme s'agrippa à l'accoudoir du fauteuil et tenta de se relever, mais le fauteuil pencha sur la droite, dans un équilibre très précaire, prêt à tomber. Le jeune homme le lâcha et le fauteuil retomba droit. Il soupira et releva les yeux vers elle. Il lui lança un regard plus noir que la dernière fois, honteux de devoir accepter l'aide de la demoiselle. Il se demandait toujours d'où il la connaissait et cette pensée continuait de l'obnubiler. Il dû se résoudre à se faire aider par la jeune femme. Il grimaça à cette perspective mais il tendit la main pour qu'elle l'aide.